La réponse se trouve dans l’histoire du XXème siècle du Maroc.

Les Rifains constituent un ensemble de communautés berbères situées au nord du Maroc, dont les villes principales sont actuellement Nador et Oujda. Originairement des paysans montagnards, ils constituent une population distincte autant que les Fassis (Fez), les Marrakchis (Marrakech), les Tangérois, etc. D’une manière générale, il est erroné d’utiliser le terme général de « Marocains » tant les communautés sont différentes et marquées par des rapports historiques difficiles.

Carte des tribus du Rif - source GoogleMaps

Carte des tribus du Rif – source GoogleMaps

L’histoire du Sultanat du Maroc témoigne de rapports conflictuels entre les tribus rifaines et celle des Alaouites, tribu de la famille régnante des Alaouis. Cette animosité séculaire explique l’attitude de Mohammed V et Hassan II à leur égard.

Un peuple martyr

Le territoire des tribus du nord du Maroc a été la dernière colonie de l’Espagne.

Carte du Rif espagnol

Carte du Rif espagnol

Au cours des années 1910 les Nord-Marocains ont tenté d’élaborer des rapports de collaboration économique avec l’Espagne dans le but d’aboutir à une autonomie. Le projet des Espagnols était bien différent: préserver à tout prix leur dernière colonie, car à cette époque un pays européen ne pouvait tenir son rang sans colonie. D’autre part, certains membres du gouvernement espagnol détenaient des intérêts personnels dans les mines.
L’Espagne n’avait aucun projet de développement pour sa colonie et sa population, à l’égard de laquelle elle se montrait brutale.

Les Rifains se sont illustrés par leur guerre contre les puissances coloniales française et espagnole dès 1921 en vue de sortir le monde musulman de la colonisation occidentale.

Guerre du Rif - Le massacre des Rifains amazigh par les Regulares espagnols en 1922

Guerre du Rif – Le massacre des Rifains amazigh par les Regulares espagnols en 1922

Français et Espagnols se distinguèrent par leurs exactions à l’égard de la population et les bombardements chimiques des villages qui mirent fin à la Guerre du Rif en 1926.

Le Sultan-Roi Mohammed V et le Prince héritier Hassan

Le futur Roi Hassan II et son père Mohammed V

Après l’indépendance du Maroc les Rifains se sont soulevés de 1957 à 1959 pour protester contre la politique gouvernementale de négligence du nord du Maroc. Plutôt que d’apporter une réponse économique et politique, le Roi Mohammed V ordonna à son fils, le futur Roi Hassan II, d’écraser cette révolte à la tête d’une armée de 30.000 hommes. Les atrocités furent nombreuses.

Après la fin du soulèvement, Mohammed V puis Hassan II veillèrent à maintenir le Rif sous régime militaire et dans un état de pauvreté, de discrimination et de sous-développement pendant quarante ans.

Tout au long de son règne, Hassan II, « un Roi qui règne plus qu’il ne gouverne » favorisera la manière forte au détriment du dialogue social.

Le 19 janvier 1984, de simples protestations d’étudiants à Nador se terminèrent dans un bain de sang sous ordre du Roi Hassan II: emprisonnements arbitraires pour une « durée forfaitaire de 10 ans », torture systématique, pillages organisé par l’armée royale.

L’état de sous-développement économique du Rif eut deux conséquences:

  • Une économie parallèle maffieuse: la culture et le commerce du cannabis et du haschich, divers trafics,
  • L’expatriation de nombreux Rifains en Europe.

Les Rifains éviteront de s’expatrier en France, considérée alliée d’Hassan II comme a semblé le démontrer l’enlèvement en plein Paris et l’assassina de l’opposant politique Mehdi Ben Barka. Ils s’établiront en Allemagne, aux Pays-Bas et principalement en Belgique du fait de sa proximité avec les familles installées en France et de l’emploi du français. La nationalité belge offrait une garantie de retour en Belgique à l’occasion des visites de la famille au pays: s’il est difficile d’acquérir la nationalité marocaine il est pratiquement impossible de se la faire retirer. L’expatriation n’offrait pas une protection absolue. Régulièrement durant les années 1970 la presse belge évoquait la découverte dans les rues de Bruxelles ou à leur domicile du corps de « supposés opposants politiques marocains, probablement assassinés par les services secrets marocains ».

Le Rif devra attendre le discours du Roi Mohammed VI du 25 mars 2004, prononcé à l’issue des séismes d’Al Hoceima et 5 ans après son accession au trône, pour s’entendre indirectement annoncer la fin de sa mise en quarantaine.